Covid-19 : des commerces ont-ils le droit de réserver des réductions aux personnes vaccinées ?

Publié le 20 septembre 2021 à 18h16
Les promotions sont encadrées par la loi afin d'éviter les dérives.
Les promotions sont encadrées par la loi afin d'éviter les dérives. - Source : DAMIEN MEYER / AFP

ÉTONNEMENT - Des internautes ont été surpris de découvrir la photo de coupons promotionnels dans une série de magasins, réservés aux seuls détenteurs d'un pass sanitaire. Une pratique possible, mais très encadrée.

Un bon d'achat de 5 euros chez un coiffeur, un autre offrant 10% de rabais dans un magasin de jouets... Sur les réseaux sociaux, des bons promotionnels distribués à des clients ont suscité de nombreuses réactions. Et pour cause : il est précisé que ces bons plans sont réservés aux seules personnes vaccinées. 

Sans tarder, les opposants au pass sanitaire ont relayé la photo de ces réductions, déplorant une pratique qui viserait à convaincre les indécis via des incitations pécuniaires. Au-delà des critiques, il s'agit d'une pratique qui interroge sur les règles entourant les promotions. Un commerçant a-t-il le droit de vérifier des documents relatifs à la santé des consommateurs ? Peut-on proposer des rabais sur la base de critères aussi variés ? En réalité, il s'agit d'une pratique très réglementée.

Possible... Sous certaines conditions

Avant d'analyser le cadre législatif qui entours ces offres, LCI est remonté à la source de ces bons. Des recherches permettent de découvrir que les magasins concernés sont tous situés dans un même centre commercial, celui du "Jeu de Paume" à Beauvais. "C’est une initiative des commerçants", a d'ailleurs expliqué à 20 Minutes Éline Watbot, la directrice de la galerie. "Nous nous sommes rendu compte que les personnes qui viennent se faire vacciner n’ont jamais mis les pieds chez nous. Il s’agit donc de fidéliser des potentiels futurs clients", a-t-elle glissé. Depuis le 30 août, un centre de vaccination a en effet ouvert au sein du centre commercial et ces bons d'achat sont distribués aux patients une fois leur dose injectée. Une initiative qui n'est toutefois pas diligentée ni mise en place par les soignants mobilisés.

En pratique, seuls des clients ayant été vaccinés peuvent disposer de ces bons d'achat. Nul besoin donc pour les commerçants de demander des preuves lors des achats, ni de contrôler le pass sanitaire pour accorder les fameux rabais. Sollicitée par LCI, la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) rappelle qu'en vertu "de l’article 1er de la loi 2021-689, le fait d’exiger la présentation du pass sanitaire dans des lieux n’entrant pas dans la liste établie par ladite loi, constitue une infraction punie d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende"

Étant donné que le pass sanitaire est requis pour accéder à seulement quelques dizaines de centres commerciaux à travers la France (celui de Beauvais n'en fait pas partie), on pourrait aussi imaginer que des magasins situés à l'intérieur de ces centres proposent des promotions aux vaccinés. Seuls les clients détenteurs d'un pass pouvant y pénétrer, cela reviendrait à proposer des réductions à toute la clientèle admise dans les magasins.

Lorsqu'on l'interroge sur les règles qui entourent les promotions dans les commerces, la DGCCRF précise que "seules sont interdites les opérations promotionnelles qui sont déloyales, c’est-à-dire contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui altèrent ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé et tout particulièrement les opérations promotionnelles constitutives de pratiques commerciales trompeuses (PCT)"

Pour éviter de tomber sous le coup de ces PCT, "il est nécessaire de présenter au consommateur une information lisible, compréhensible et accessible sur les caractéristiques de l’opération promotionnelle (durée, conditions de participation ou d’octroi, nature de l’avantage offert...). C’est également le cas pour une opération consistant à distribuer des coupons de réduction dans des centres de vaccination installés à proximité de centres commerciaux", nous indique-t-on. Notez que si les promotions portent "sur des produits alimentaires (ou destinés à l’alimentation des animaux de compagnie)", elles ne peuvent  "le cas échéant, cumulées, excéder 34% du prix de vente consommateur". Un seuil fixé par la loi.

Il apparaît en parallèle inconcevable de réserver des promotions à des personnes d'une origine ethnique particulière ou d'une religion précise. Pas plus qu'à des personnes répondant à certains critères physiques. Dans de tels cas de figure, les commerçants pourraient en effet être poursuivis en raison du caractère discriminatoire de ces initiatives. Du côté de Beauvais, on a découvert avec une certaine surprise l'émoi provoqué par les bons d'achats, si bien qu'une représentante du centre commercial a tenu à préciser que le rôle des commerçants n'était "pas d’influencer les gens au sujet des vaccins". C’est pourquoi "nous ne distribuons pas ces réductions en amont de la vaccination", a-t-elle ajouté. 

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Thomas DESZPOT

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