Des opposants aux éoliennes fustigent leur durée de vie et leur prétendue fragilité.
Leur durée de vie ne serait que de 20 ans et des dysfonctionnements seraient fréquents après 15 ans d'utilisation.
Des affirmations exagérées.

Peu fiables et pas vraiment durables ? À l'occasion d'un échange avec le controversé Idriss Aberkane diffusé sur YouTube, l'auteur Philippe Béchade s'est lancé dans un plaidoyer contre les éoliennes. Dans un extrait relayé sur les réseaux sociaux, l'intéressé explique qu'elles n'ont une durée de vie que de 20 ans. Il souligne par ailleurs qu'avec le recul, nous observons désormais que "beaucoup d'éoliennes, au-delà de 15 ans, commencent déjà à mal fonctionner, à dysfonctionner, voire à prendre feu"

Une espérance de vie liée à leur rentabilité

Combien de temps peut-on espérer faire fonctionner une éolienne ? "Si vous en prenez soin et que vous réalisez une maintenance rigoureuse, vous pourriez la faire tenir pendant 40 ans", glisse à TF1info Paul Franc, ingénieur éolien au sein de l'Ademe. En pratique, la durée de vie est toutefois plus limitée. Ce que l'on constate en France, "c'est plutôt un fonctionnement autour de 20 ans, mais il s'agit ici d'une moyenne. Des parcs seront mis à l'arrêt après 17-18 ans, quand d’autres verront leur exploitation se prolonger environ 25 ans", explique le spécialiste.

Délégué général de France Energie Eolienne, Michel Gioria rappelle que si l'on évoque souvent une durée de vie de 20 ans, c'est parce que cette durée correspond à celle des contrats noués avec EDF. Les dispositifs de revente d'électricité à l'énergéticien prévoient en effet des engagements de deux décennies, au cours desquelles EDF achète à un prix fixe l'électricité produite par les éoliennes. "Aujourd’hui, beaucoup de contrats sont arrivés à leur terme, mais l'on constate que de multiples parcs continuent leur vie", ajoute le représentant du secteur. Les contrats terminés, les exploitants négocient directement avec des entreprises ou des collectivités, "et leur vendent l'énergie en direct". Grâce à cette "seconde vie", hors du contrat avec EDF, et au regard de "l'ensemble des données à notre disposition", la durée de vie des éoliennes se situerait aujourd'hui plutôt "entre 25 et 27 ans".

Quid des dysfonctionnements, des pannes, voire des cas d'éoliennes qui viendraient à s'enflammer en vieillissant ? "Un champ d’éoliennes, ce sont des machines", tranche Paul Franc. "Elles s’entretiennent, il faut prévoir de la maintenance. Tout est question de choix entre le fait de réparer ou d’arrêter la production." Certaines pièces sont plus fragiles que d'autres, à commencer par les pales. "Il s'agit d'un objet technique assez fin, assez similaire au fond à une aile d’avion", glisse Michel Gioria. "Tout ce qui est lié au gel, à la grêle, risque de causer des dégâts à long terme." D'autres pièces comme les turbines peuvent, elles aussi, nécessiter de l'entretien et faire face à des casses. Or, contrairement à des machines situées au sol et qui seraient aisément réparables, les éoliennes se révèlent difficiles d'accès. Ce qui entraîne sans surprise une démultiplication des coûts. Les incendies sont par ailleurs jugés anecdotiques, tant ils sont rares à l'échelle du territoire (jamais plus d'un à deux par an, pour environ 9000 mats installés).

Si la durée de vie dépend pour partie du lieu d'implantation de l'éolienne, elle est aussi influencée par les cours observés sur le marché de l'énergie. Quand les prix de l'énergie sont élevés (comme on le voit à l'heure actuelle), l'exploitation des éoliennes est plus rentable une fois la fin des contrats de revente auprès d'EDF. Ce qui retarde en conséquence le moment où les coûts de maintenance deviendront trop élevés par rapports aux bénéfices escomptés, synonymes de démantèlement des parcs. 

Pas de rupture technologique, mais l'arrivée d'une foule de capteurs

Les experts de l'éolien le reconnaissent : le fonctionnement d'une éolienne est assez simple, mais aucun bouleversement technologique n'a permis jusqu'à présent d'envisager un gain significatif en matière de durée de vie. Du côté de l'Ademe ou de France Énergie Éolienne, on insiste toutefois sur une avancée majeure : l'arrivée de nombreux capteurs dans l'éolien.

"L’idée, c’est désormais de faire de la maintenance prédictive, de remplacer la pièce avant qu’elle cède", résume l'ingénieur Paul Franc. "Les éoliennes sont désormais bourrées de capteurs", renchérit Michel Gioria. "Nacelles, turbines, mats... Ils nous informent sur les conditions d’exploitation, mettent en avant des vibrations qui ne devraient pas avoir lieu." De quoi anticiper des travaux, et de prévenir les casses les plus coûteuses. Des drones équipés de caméras sont également mobilisés, afin de vérifier l'état des pales sans avoir à intervenir avec une grue. Une surveillance plus fine qui laisse présager une réduction des coûts et la prolongation in fine des durées d'exploitation des parcs éoliens sur notre territoire. 

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Thomas DESZPOT

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