VIDÉO - Gironde : le projet de surf park à moins d'une heure de l'océan fait des vagues

par A.B. TF1 | Reportage Erwan Braem, Christophe Brousseau et Romain Dybiec
Publié le 2 janvier 2024 à 20h54

Source : TF1 Info

Dans la ville de Canéjan, en banlieue de Bordeaux, un projet de surf park divise.
Si les promoteurs mettent en avant le côté écologique du futur centre de loisirs, les opposants dénoncent sa consommation d'eau.
Le 20H de TF1 fait le point sur cette polémique.

Ce serait une première en France. Dans la petite ville de Canéjan, en banlieue de Bordeaux (Gironde), des promoteurs veulent construire deux piscines à vagues artificielles, utilisables été comme hiver, à moins d'une heure de l'océan. Ce projet, appelé "l'Académie de la glisse", pourrait devenir le tout premier surf park de l'Hexagone, alors qu'il existe déjà des installations semblables en Suisse, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Mais si certains y voient une opportunité de "faire bouger les choses"  à Canéjan et d'y faire "venir du monde", d'autres se montrent méfiants face à un projet "complètement aberrant" avec "l'océan à 40 kilomètres". Le 20H de TF1 fait le point sur un chantier qui divise. 

L'eau au cœur des inquiétudes

Si le projet est mené en métropole bordelaise, c'est parce que la région regroupe le plus grand nombre de surfers en France, mais ne comporte aucun centre d'entraînement pour les sportifs. Un manque que les promoteurs de "l'Académie de la glisse" souhaitent pallier en installant deux grands bassins, capables de générer des vagues artificielles parfaites, aux dimensions voulues par les pratiquants. Le projet doit être installé sur un ancien parking, dans une zone industrielle, à proximité de l'autoroute. Il doit être fabriqué par une société basque espagnole qui en a déjà réalisé sept dans le monde et souhaite bâtir ce surf park français avec des technologies innovantes. 

"Nous allons réhabiliter cette friche industrielle, en plein cœur de la zone industrielle, pour faire le projet du surf park", explique dans la vidéo en tête de cet article Edouard Algayon, cocréateur avec trois autres personnes du projet. L'avantage du site : une ancienne usine IBM des années 70 avec sa station d'épuration et 10.000 m² de panneaux solaires pour rendre le surf park autonome en énergie. 

Mais c'est moins le volet énergétique que l'impact environnemental du projet qui inquiète les opposants et notamment la ressource en eau. Et pour cause, pour fonctionner, les deux bassins nécessitent 20.000 mètres cube d'eau, soit l'équivalent de huit piscines olympiques. Pour leur remplissage, la moitié de l'eau viendra des nappes profondes et l'autre de l'eau de pluie récupérée sur les toits. Une technique dont se servent les promoteurs pour rassurer sur l'utilisation d'une ressource qui va devenir de plus en plus rare en France dans le contexte du changement climatique dû aux activités humaines.

"Il y a 20.000 m² carré de toiture en tout et nous allons pouvoir pallier comme ça l'évaporation des bassins tout au long de l'année en stockant cette eau qui tombe sur ces toitures et qui jusqu'à maintenant n'était pas récupérée ou revalorisée", pointe Edouard Algayon avant d'assurer que le projet est "largement autosuffisant pour pallier aux problèmes de l'évaporation même en cas d'année sèche". 

Des calculs que les opposants contestent, et deux organisations écologistes, Surfrider Foundation et Sepanso Gironde, ont attaqué le permis de construire de l'Académie de la glisse en justice. Les associations estiment en effet que l'évaporation est sous-estimée. "On dit que ça va être deux évaporateurs géants. Parce que les deux cumulés, c'est l'équivalent de huit piscines olympiques et parce qu'il y a ces vagues qui peuvent faire jusqu'à deux mètres, qui sont des vagues déferlantes, et qui projettent de l'eau et accélèrent considérablement l'évaporation", avance Rémy Petit, du collectif "Non au surfpark à Canéjan". 

Les précédents projets de surf park tous retoqués

Ainsi, selon les opposants, les études réalisées par les promoteurs se basent sur les moyennes de précipitation des 20 dernières années, des modèles dépassés selon eux. "On demande aux gens de faire attention à ce qu'ils font, de faire de la sobriété, de limiter les déplacements, de ne pas arroser le gazon l'été quand ça manque d'eau et là, on est sur un projet qui va profiter à quelques-uns, au détriment de l'usage de l'eau", dénonce Florence Bougault, de la société pour l'étude et l'aménagement de la nature dans le sud-ouest (Sepanso). Et pour cause, la commune de Canéjan a été reconnue en état de catastrophe naturelle liée à la sécheresse pour l'été dernier et a enregistré, au cours de l'hiver 2022, un record de 32 jours sans pluie, mettant à mal les nappes phréatiques de la région.

Par ailleurs, aucune enquête publique n'est nécessaire pour ce projet privé et aucune étude d'impact n'a été menée. Face à la polémique, la mairie de Canéjan, elle, a refusé les demandes d'interview du 20H tant que la procédure judiciaire est en cours. Pour tenter de convaincre, les promoteurs du premier surf park de France mettent en avant l'importance d'un centre d'entraînement dans la région pour les sportifs et son utilité pour rendre la pratique du surf accessible aux personnes en situation de handicap. "Avec une machine à vague, en une semaine ou en quelques jours, on gagne un mois ou deux d'entraînement en milieu naturel", pointe Nicolas Padois, l'un des promoteurs du projet, moniteur et ancien entraîneur des équipes de France de surf.

Si "l'Académie de la glisse" devrait pouvoir accueillir 300 personnes par jour avec une ouverture prévue en 2025, les amateurs de glisse vont devoir patienter pour connaître le sort de l'installation. Car en attendant la décision de la justice administrative, le chantier est à l'arrêt. Et les exemples précédents ne sont pas pour rassurer les partisans du surf park : depuis 2013, sur neuf tentatives pour implanter une telle installation en France, aucune n'a vu le jour.


A.B. TF1 | Reportage Erwan Braem, Christophe Brousseau et Romain Dybiec

Tout
TF1 Info